Projet de loi « Mort digne » en Uruguay : l’euthanasie pourrait s'obtenir en quelques jours seulement
L’Uruguay deviendrait le premier pays d’Amérique latine à dépénaliser l’euthanasie par voie légale, si le projet de loi approuvé par la Chambre de députés le 13 août 2025, obtenait l’accord du Sénat.
En l’état, le texte prévoit que toute personne détient un « droit à l’euthanasie », auquel elle peut prétendre « pour que sa mort se produise de façon indolore, douce et respectueuse de sa dignité », si les conditions suivantes sont respectées :
- la personne est majeure ;
- considérée comme psychiquement apte ;
- vivant « l’étape terminale d’une maladie incurable et irréversible » ou, en raison de sa maladie ou de conditions de santé incurables et irréversibles, endurant « des souffrances insupportables » et traversant « une détérioration grave et progressive de sa qualité de vie » ;
- sa volonté d’obtenir l’euthanasie est libre, sérieuse et ferme ;
- sont requis l’avis d’un premier (dans les 3 jours) puis d’un deuxième médecin (dans les 5 jours suivants). Si les deux avis divergent, un comité médical composé de trois médecins dont un psychiatre et un spécialiste de la maladie du patient, émettra une décision finale.
- l’euthanasie est pratiquée par le médecin ou « sur son ordre » par une autre personne.
A noter que l’euthanasie pourrait être pratiquée à partir du 6e jour à dater de la demande initiale, et plus rapidement encore s’il est craint que le patient ne parvienne plus à exprimer clairement sa volonté. A titre de comparaison, la loi belge impose un délai d’attente de minimum 1 mois si la mort n’est pas prévue à brève échéance.
Les institutions de soins publiques mais aussi privées, sont tenues « de mettre à disposition de leurs bénéficiaires les services nécessaires pour l’exercice du droit à l’euthanasie », « par l’intermédiaire des médecins et des équipes de soins internes ». Seules ces institutions de soins pourront le faire. Lorsque l’euthanasie est incompatible avec la définition philosophique ou religieuse d’une institution, celle-ci peut demander à ce que d’autres institutions prennent en charge ses bénéficiaires à cet égard. Elle devra en référer au Ministère de la Santé publique.
Le médecin et les autres membres de l'équipe soignante dont les services sont requis pour l’euthanasie, peuvent opposer une objection de conscience à la pratique de celle-ci. Cependant, l’institution d’assistance médicale (organisme coupole des institutions de soins) devra garantir la prestation de l’euthanasie au patient.
Une Commission de révision se chargera de vérifier a posteriori la légalité des euthanasies pratiquées et remettra un rapport annuel au Ministère de la Santé et à l’Assemblée Générale.
Plusieurs points critiques sont à soulever dans ce projet de loi :
- L’instauration d’un « droit à l’euthanasie » qui entre en contradiction avec le droit à l’objection de conscience des personnes ne souhaitant pas coopérer à une euthanasie. Cela pourrait tôt ou tard amener à de graves restrictions au droit à l’objection de conscience.
- L’absence de condition de souffrance et de gravité de la maladie, lorsque le patient qui demande l’euthanasie est au stade terminal de cette maladie ;
- Le caractère subjectif et difficilement appréciable de la condition des souffrances vécues comme insupportables ;
- L’accès à l’euthanasie pour les patients psychiatriques, et ce sans que soient prévus de critères supplémentaires par rapport aux cas d’affection physique ;
- Le délai extrêmement court dans lequel pourrait être pratiquée une euthanasie (6 jours), y compris pour les patients psychiatriques ;
- L’absence de spécialisation requise chez les médecins sollicités pour donner leur avis quant à une demande d’euthanasie ;
- L’absence de contrôle a priori des euthanasies, autre que par quelques médecins (maximum 5).
On peut noter également, avec un certain étonnement, que le projet de loi établit que « la mort par euthanasie sera considérée comme mort naturelle ». Par ailleurs, bien qu’il soit de nature juridique, ce texte avance une définition plutôt idéologique de l’expression « mourir dans la dignité » : il s’agirait du « droit à mourir de façon naturelle, en paix, sans douleur, en évitant systématiquement de prolonger artificiellement la vie du patient quand il n’existe pas d’espoir raisonnable d’amélioration ». Cette définition est en l’occurrence censée inclure l’euthanasie.
Les députés en faveur du projet de loi disent s’être appuyés sur les modèles belges et néerlandais qui sont, pour reprendre leurs termes, des « systèmes solides dotés de garanties fonctionnant depuis plus de 20 ans » (Federico Preve (FA) au quotidien El Pais). Or, il est notoire que les garanties prévues dans les lois belges et néerlandaises n’ont pas permis d’éviter de larges dérives en matière d’euthanasie et surtout, une hausse exponentielle du nombre d’euthanasie dans ces pays, comme d’ailleurs au Canada.
« Les personnes malades seront exposées à subir des pressions, des conditionnements et des abus », rétorque le député nationaliste Rodrigo Goni, opposé au projet de loi. Il a proposé - sans succès - la création d’une commission de contrôle a priori, en charge de vérifier que le patient demande librement et volontairement l’euthanasie. « L’alternative [ndlr : à la dépénalisation de l’euthanasie] est que tous reçoivent un soulagement de leurs douleurs et l’accès aux soins palliatifs. », a-t-il avancé.