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Vers la sélection embryonnaire high tech : Nucleus Embryo ou le choix illimité de l’enfant parfait 

Vers la sélection embryonnaire high tech : Nucleus Embryo ou le choix illimité de l’enfant parfait 

L’entreprise américaine Nucleus Genomics propose désormais aux parents l'optimisation génétique comme outil supplémentaire pour augmenter les chances que leur enfant soit en bonne santé. La nouvelle technologie Nucleus Embryo propose aux parents qui envisagent de concevoir leur enfant par fécondation in vitro (FIV) de sélectionner les meilleurs embryons à implanter en analysant plus de 1000 traits et conditions de leur génome. Cette proposition serait « guidée par le principe de l’utilisation responsable de la science génétique moderne et de la liberté reproductive », selon son concepteur Kian Sadeghi. Une telle sélection embryonnaire questionne pourtant la dignité accordée à l’embryon et soulève des risques non négligeables liés à l’usage des biotechnologies dans la conception des enfants.  

De la médecine préventive à la sélection génétique des embryons 

Nucleus Embryo propose d’analyser la quasi-totalité de l’ADN des embryons conçus par FIV, ou seulement les marqueurs génétiques courants si les parents n’ont pas opté pour l’analyse totale du génome. S’ils souhaitent plus de précision, les parents sont invités à séquencer leur propre génome via Nucleus Family, un autre service de Genomics qui dépiste plus de 900 maladies héréditaires susceptibles d'affecter leurs enfants. La technologie de Nucleus Embryo fait appel à une série d’outils qui identifient les variants génétiques pathogènes rares ou potentiellement pathogènes. Même si aucun variant pathogène n’est détecté, Nucleus Embryo fournit aussi des scores polygéniques pour les maladies et caractéristiques courantes telles que la maladie d’Alzheimer, certains cancers comme le cancer du sein, le diabète de type 2 et les maladies cardiaques.  

Les scores polygéniques sont calculés en tenant compte de l'impact combiné de plusieurs milliers de variants génétiques permettant de déterminer une prédisposition génétique à une maladie complexe. Cependant, beaucoup d’autres facteurs non génétiques comme les antécédents familiaux, le mode de vie ou encore l'environnement entrent en jeu dans le développement de maladies chroniques courantes, ce qui oblige à prendre avec précaution les prédictions de Nucleus.  

Le recours à cet outil, originellement conçu dans le cadre de la médecine préventive, interroge ici. En effet, dans ce cas on ne prévient pas l’apparition d’une maladie pour mieux prendre éventuellement en charge le patient, on opère un tri parmi des embryons sains pour s’assurer de choisir les meilleurs à implanter. Selon son concepteur, « les gens ont le droit d’optimiser génétiquement leurs enfants ».   

Vers un eugénisme technologique  

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur les limites de cette recherche du meilleur embryon. Sur son site, Nucleus précise que « la nature de la plupart des prédictions génétiques est incertaine ». Eviter de potentielles maladies à son enfant à l’âge adulte et permettre ainsi aux parents de « faire des choix éclairés pour la santé individuelle et celle des générations futures » implique en fait de détruire des embryons sains. Par ailleurs, comme le souligne Jason Thacker, professeur assistant de philosophie et d’éthique interrogé par le Newsweek, analyser et sélectionner certains embryons parmi d’autres sur la base de caractéristiques et de risques, ne consiste plus à empêcher les générations futures de souffrir, mais à décréter que certaines vies humaines ont plus de valeur que d’autres.  

Sous couvert de recherche de bonne santé et de liberté reproductive des parents, cette proposition ouvre la voie à un eugénisme libéral qui n’aura bientôt plus d’autres limites que les progrès de la technologie.  D’après le site de Nucleus, de plus en plus de parents adoptent les nouvelles technologies pour avoir des enfants « en bonne santé et épanouis ». Cette mentalité encouragée par les techniques de tri des embryons conduirait « quatre parents sur dix » aux États-Unis à utiliser l'optimisation génétique comme outil supplémentaire pour « augmenter les chances de leur enfant d'intégrer une université de haut niveau ».  

Le recours aux techniques de procréation artificielle et notamment à la FIV pourrait bien se généraliser pour des couples sans raison d’infertilité mais désireux d’optimiser le choix de leurs embryons si, à l’avenir, ces technologies devenaient plus accessibles.   

De la thérapie à l’augmentation, où se situera la limite ?  

L’éventail des recherches de prédispositions génétiques à des maladies et des traits est si large que l’on se demande où s’arrêtera le design de l’enfant souhaité. Comme il n’est plus ici question de soigner mais de sélectionner selon les meilleures dispositions génétiques, un premier pas dans l’augmentation des générations futures est déjà franchi.  

Concevoir un enfant qui éviterait le plus possible de contracter des maladies au fil de sa vie et qui aurait ainsi une espérance de vie plus longue est le rêve transhumaniste d’une société de la performance où accepter la maladie et l’imperfection paraîtrait insensé. C’est la vision portée par certains penseurs comme Julian Savulescu, philosophe et bioéthicien australien, qui préconise l’usage de la procréation artificielle pour choisir les embryons qui auront la meilleure vie possible, c’est-à-dire sans maladie ni handicap. Dans cette logique, le choix du meilleur embryon étant possible, s’en remettre à la loterie de la nature serait une faute morale, et sélectionner les embryons relèverait alors de la « bienfaisance procréative ».  

Il reste à savoir quel sera l’impact psychologique pour les enfants ainsi conçus, sélectionnés et sommés, avant même leur naissance, de répondre à de tels critères de performance.  

 

Sources: site de Nucleus Genomics, Newsweek (04-07-2025) et Bioethics Observatory (26-06-2025)  

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