Par un arrêt du 21 juillet dernier, la Cour constitutionnelle colombienne a une nouvelle fois assoupli les conditions d'accès à l'euthanasie, en supprimant la condition selon laquelle le décès du patient doit être prévu à brève échéance. Si le Code pénal colombien, quant à lui, pénalise toujours ce qu'il qualifie d' « homicide par compassion », cette disposition se trouve privée de ses effets depuis vingt-quatre ans, sous l'impulsion du pouvoir judiciaire. Le Parlement n'arrivant pas à se mettre d'accord sur un texte de loi, c'est la Cour constitutionnelle qui jusqu'à présent pose le cadre en matière d'euthanasie (Actualité IEB).
A l'instar des dernières évolutions au Canada (Actualité IEB), il n'est donc plus nécessaire d'être en fin de vie pour obtenir qu'un médecin provoque sa mort. Les autres conditions fixées par la Cour dans son arrêt de 1997 restent d'application : l'euthanasie doit être effectuée par un médecin, avec le consentement libre et informé du patient, qui doit présenter des souffrances physiques ou psychiques intenses, provenant d'une lésion corporelle ou d'une maladie grave et incurable.
Si la Cour se permet de revenir sur ce qu'elle a jugé en 1997, c'est parce qu'elle estime que depuis lors, le contexte normatif en matière d'euthanasie a changé, et que d'autre part la signification de la Constitution a évolué. Elle considère que maintenir la condition de fin de vie constitue un obstacle au « droit à mourir dignement », qui s'ajoute à celui d'absence de loi en la matière. Si le Parlement veut légiférer sur l'euthanasie, il devra désormais intégrer ce nouvel aspect dans la loi.
Sur les 9 juges qui composent la Cour, 3 magistrats ont manifesté leur désaccord par rapport à l'arrêt. La raison principale qu'ils invoquent est que la Cour, en supprimant la condition de fin de vie, revient sur une chose qu'elle a déjà jugée antérieurement alors que les circonstances ne lui permettent pas une telle démarche. Pour la juge Cristina Pardo, vice-présidente de la Cour, l'arrêt ne prouve pas qu'il existe un changement social majoritaire dans la société colombienne, qui ferait penser que l'expression constitutionnelle selon laquelle la vie est inviolable, a évolué. La Cour ne s'est appuyée sur aucune enquête, aucune statistique ni indicateur objectif pour attester de ce changement social. En outre, l'absence de loi sur l'euthanasie prouve que le contexte normatif n'a lui non plus pas évolué.
Quant au fond de la décision, la magistrate Pardo souligne la contradiction entre d'une part la promotion, dans l'arrêt, de l'autonomie comme socle du « droit à mourir dans la dignité », et d'autre part le consentement à l'euthanasie– décision la plus extrême et la plus irréversible possible - donné dans des circonstances qui, par définition, rendent difficile l'exercice d'un libre consentement (affaiblissement, souffrance, vulnérabilité, …). Elle rappelle qu'avec l'euthanasie, « l'objectif direct de mettre fin à la vie n'est pas séparable de l'objectif d'éliminer une personne qui vit ; c'est une action qui vise à supprimer un sujet digne, c'est-à-dire, une atteinte à la dignité. »
En Colombie, les soins palliatifs sont loin d'être accessibles pour tous les patients qui en auraient besoin.