Canada : l’ONU recommande d’interdire l’euthanasie des personnes dont le décès n’est pas « raisonnablement prévisible »

Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Le 18 mars 2025, le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) de l’Organisation des Nations unies a adopté ses observations finales. Celles-ci entrent dans le cadre de l’examen des rapports périodiques que le Canada lui a remis au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Parmi les principales préoccupations formulées par le CRPD, on peut relever « les attitudes discriminatoires persistantes à l'égard des personnes atteintes de trisomie 21 » d’une part, et l’élargissement de l’euthanasie (« AMM » pour Aide Médicale à Mourir) aux personnes dont « l'unique condition médicale sous-jacente est une maladie mentale » d’autre part.  

La préoccupation du comité concernant la discrimination à l’égard des personnes handicapées n’est pas nouvelle. En 2020 déjà, la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les droits des personnes handicapées, Catalina Devandas-Aguilar, dénonçait l'eugénisme libéral dont sont victimes ces personnes au sein de nos sociétés. Cette discrimination réside dans une vision « capacitiste » du handicap dont le CRPD déplore encore la persistance au Canada aujourd’hui. Cette vision conduit à juger la valeur d’une personne à l’aune de ses capacités mentales ou physiques.  

Le CRPD invite donc le Canada à développer des stratégies pour « mettre en œuvre le droit à l'égalité et à la non-discrimination pour les personnes handicapées, y compris (…) les personnes souffrant de déficiences intellectuelles et/ou psychosociales et les personnes atteintes du syndrome de Down ». Ce rappel à l’ordre fait écho à la récente préoccupation formulée par le CRPD à l’égard de la Belgique à propos de la perception négative des personnes handicapés. Cette perception contribue, selon ce Comité, au « niveau élevé d’interruptions sélectives de grossesse » (voy. : INFO IEB : L’ONU pointe la Belgique pour le « taux élevé » d’avortements lié au test prénatal de trisomie). 

La deuxième grande préoccupation du CRPD vis-à-vis du Canada concerne le droit à la vie, protégé par l’article 10 de la Convention. Elle vise plus explicitement les modifications apportées en 2021 au Code pénal du Canada par le biais du projet de loi C-7, qui a élargi les critères d'éligibilité pour l'obtention de l' « assistance médicale à mourir » (euthanasie) aux personnes dont le décès n’est pas raisonnablement prévisible (volet 2 dans la loi). Avec plusieurs comités soucieux des droits des personnes handicapées, le CRPD rappelle que : « le handicap n'est pas une raison pour approuver l'assistance médicale à mourir ». Pourtant, les données du Bureau du coroner en chef de l'Ontario et du gouvernement fédéral indiquent que les femmes handicapées et les personnes handicapées en situation de marginalisation recourent « de manière disproportionnée » à l’euthanasie.  

Face à l’augmentation des euthanasies des personnes handicapées au Canada, le Comité recommande notamment : 

  • d’ "abroger le volet 2 de l'Assistance Médicale à Mourir (AMM), y compris le début de l'AMM en 2027 pour les personnes dont « la seule condition médicale sous-jacente est une maladie mentale » » ; 

  • de « ne pas soutenir les propositions visant à étendre l'AMM aux « mineurs matures » et aux demandes anticipées ».  

Le Comité invite également le Canada à « mettre en œuvre des mesures globales, aux niveaux fédéral, provincial et territorial, afin de s'assurer que les défaillances systémiques liées aux déterminants sociaux de la santé et du bien-être sont traitées ». Enfin, le Canada est invité à « mettre en place (…) un mécanisme fédéral de contrôle indépendant pour surveiller, réglementer et traiter les plaintes relatives à la MAiD » (AMM). 

Ces préoccupations devraient alerter la Belgique, à l’heure où une proposition de loi de l’Open VLD actuellement en discussion à la Chambre envisage d’étendre l’accès de l’euthanasie aux personnes devenues incapables d’exprimer leur volonté, sur la base d’une déclaration anticipée.