Les députés européens assimilent la GPA à la traite d’êtres humains : quelle conséquence  pour l’Union européenne ?

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Début de vie / Gestation pour autrui Actualités Temps de lecture : 3 min.

 Imprimer

Les commissions des droits des femmes et des libertés civiles du Parlement européen ont adopté le 5 octobre dernier une proposition de modification de la directive de 2011 concernant la traite des êtres humains. Pour la première fois, les députés ont inséré la gestation pour autrui (GPA) parmi les crimes d’exploitation des femmes. Le texte doit encore être discuté par le Conseil et la Commission avant d’être adopté. Quelle sera la portée de l’insertion de la GPA dans la liste des infractions au niveau européen ?  

La directive dans laquelle a été insérée la mention de la maternité de substitution définit la traite des êtres humains comme un « crime grave » qui constitue une « violation des droits fondamentaux ». On peut en effet considérer que la maternité de substitution porte atteinte à ces droits à différents égards : 

  • Les contrats de mère porteuse mettent à disposition d’autrui les fonctions reproductrices de la femme. Or, ces qualités ont trait à sa personne. Ils contreviennent aux principes d’indisponibilité du corps humain et de non-marchandisation et ce, quelle que soit la contrepartie prévue. 

  • La GPA porte atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant. En effet, la GPA organise l’abandon d’un enfant par la femme qui l’a porté et mis au monde et permet aussi au couple de refuser l’enfant s’il ne correspond pas à leurs attentes (s’il est atteint d'une maladie ou porteur d’un handicap, par exemple). En l’espèce, dans ses dispositions relatives à la GPA, le texte adopté n’évoque pas les enjeux pour l’enfant. Pourtant, il y a bien atteinte à son droit fondamental à être protégé. 

La GPA est ainsi insérée dans la directive sur la traite des êtres humains : « Exploitation shall include […] surrogacy for reproductive exploitation (…) ». Cette insertion va-t-elle conduire l’Europe à adopter des mesures efficaces pour condamner une telle pratique ? Sur ce point, l’incertitude demeure entière. Si les auteurs de la proposition et d’autres députés ayant soutenu le texte espèrent que cette mesure permettra de condamner tout type de GPA, aussi bien commerciale que non commerciale, les rapporteurs défendent une interprétation différente. Selon les mots de Malin Björk, rapporteur de la proposition pour la Commission des libertés civiles, « the text does not ban surrogacy in general, but it would criminalise surrogacy in the context of trafficking ». Non opposés à la GPA par principe, les rapporteurs affirment que, dans le texte voté, la GPA n’est pas obligatoirement considérée comme une forme de traite d’êtres humains, dans la mesure où il existerait des formes acceptables de GPA (dites « éthiques » ou « altruistes ») qui ne relèveraient pas de la directive. 

Pour le moment, les États membres de l’UE ne s’accordent pas sur une condamnation claire de la GPA. Récemment, le Comité consultatif de bioéthique de Belgique a rendu un avis dans lequel il considère la GPA comme « éthiquement acceptable ». (voy. IEB 15.06.2023). Fin 2022, la Commission européenne a voté une proposition de règlement qui obligerait les pays membres à reconnaître automatiquement tous les aspects de la filiation des enfants en situation transfrontalière. S’il était adopté, ce texte pourrait obliger un État qui interdit la GPA sur son sol, à reconnaitre la filiation d’un enfant né par GPA dans un autre pays de l’Union voire ailleurs dans le monde. (voy. IEB 12.01.2023). 

Si la proposition de modification de la directive qui reconnaît la GPA comme un crime au titre de la traite d’êtres humains était votée, l’Union européenne sera-t-elle assez cohérente pour ne pas imposer la reconnaissance des actes d’état civil des enfants nés par GPA à l’étranger ? 

Pour aller plus loin : voy. Dossier IEB