La GPA reconnue comme « délit universel » par l’Italie : mesure symbolique ou premier pas vers une interdiction globale ?

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Début de vie / Gestation pour autrui Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Le 16 octobre 2024, le Sénat italien a voté l’élargissement de la criminalisation de la gestation pour autrui (GPA), pour y inclure le “délit de gestation pour autrui commis à l’étranger par un citoyen italien”. Désormais, les ressortissants italiens qui font appel à une mère porteuse à l’étranger seront également passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 1 million d’euros d’amende. En qualifiant la GPA de « délit universel », les sénateurs italiens ont exprimé leur volonté d’une condamnation globale de cette pratique.  

Les enjeux dépassent en effet les frontières nationales. Des initiatives ont déjà permis d’engager un mouvement vers une interdiction globale. En avril dernier, le Parlement européen a adopté une directive visant à inscrire la GPA dans la liste des crimes relevant de la traite d’êtres humains. En 2023, une centaine d’experts de 75 nationalités s’est réunie à Casablanca pour signer officiellement une Déclaration pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui. En dépit de ces initiatives, d’ordre plutôt symbolique à ce stade, la question se pose de savoir dans quelle mesure un pays peut en pratique pénaliser le recours à la GPA lorsqu’elle est réalisée dans un pays étranger qui l’autorise quant à lui. 

Interrogé par le Washington Post, Léopold Vanbellingen, directeur de l’Institut Européen de Bioéthique, a rappelé la difficulté d’une condamnation de cette pratique par un État à titre individuel, en tant que “délit universel”.  

L’enjeu de cette loi est en ce sens moins juridique que politique pour la Présidente du Conseil italien Giorga Meloni : d’une part, le texte constitue un signal en faveur d’une abolition internationale de la GPA par le biais d’un traité ; d’autre part, il marque le refus des autorités italiennes de se voir imposer la reconnaissance automatique de filiations issues de GPA réalisées à l’étranger. 

Sur ce dernier point, en effet, on rappellera deux initiatives – l'une européenne, l’autre internationale – visant à contraindre les États à reconnaître tout acte de filiation établi dans un autre pays, y compris dans le cas d’une GPA. D’une part, le Conseil de l’Union européenne doit prochainement se prononcer sur l’adoption d’un Règlement en ce sens, justifié par la Présidente de la Commission européenne par le fait que “If you are parent in one country, you are parent in every country”. Sur le plan mondial, la Conférence de la Haye envisage quant à elle un dispositif analogue, par le biais d’une convention internationale. 

L’enjeu de ces deux initiatives dépasse en réalité le simple enjeu de la filiation : dans chaque cas, la reconnaissance automatique du lien juridique de parenté entre l’enfant et le(s) commanditaire(s) de la GPA réalisée à l’étranger risque de déboucher rapidement sur une autorisation de la pratique de la GPA sur le sol du pays en question, en vertu du principe de non-discrimination. 

En Belgique, à défaut de disposition pénale spécifique, la GPA est tolérée, tant du point de vue de sa pratique sur le sol belge que de la reconnaissance de filiations issues de GPA réalisées à l’étranger. D’autres pays comme l’Angleterre tentent de distinguer une GPA réputée non commerciale (où la mère est “défrayée”) d’une GPA commerciale. Comme le soulignait Léopold Vanbellingen, les enjeux éthiques sont pourtant liés à la pratique de la GPA elle-même. Quelle que soit la qualification qu’on lui donne, elle entraine dans tous les cas de vrais risques pour la santé de la mère ainsi que des risques d’exploitation, non seulement pour elle mais aussi pour l’enfant, en tant qu’objet d’un contrat qui prévoit de le séparer de sa mère dès la naissance. 

 

Loi n° 40 du 19 février 2004 (LEGGE, 19 février 2004, n. 40), modifiée par la loi du 16 octobre 2024 

Art. 12 [...] §6. Quiconque, sous quelque forme que ce soit, réalise, organise ou fait de la publicité pour la commercialisation de gamètes ou d’embryons ou pour la maternité de substitution, est puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 600 000 à un million d’euros. 

Si les faits mentionnés dans la phrase précédente, en référence à la maternité de substitution, sont commis à l’étranger, le citoyen italien est puni conformément à la loi italienne ».