Un droit à mourir ?
Dans l'affaire Pretty c. Royaume-Uni, la Cour précise que le « droit à la vie » garanti par l'article 2 de la Convention ne comporte pas un aspect négatif, c'est-à-dire qu'il ne confère pas un droit à mourir. Elle souligne qu'« il ne saurait davantage créer un droit à l'autodétermination en ce sens qu'il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que la vie ».
De plus, la Cour met en évidence le fait qu'il y a aucune obligation positive pour un Etat de s'engager à ne pas poursuivre une personne qui aide une autre à se suicider ou de créer un cadre légal pour toute autre forme de suicide assisté.
Suicide assisté
La Cour estime que la Convention européenne des droits de l’homme ne comprend « aucun droit au suicide assisté, y compris sous la forme d’une information ou d’une assistance allant au-delà de la fourniture d’informations générales sur le suicide » CEDH, Lings c. Danemark, 12 avril 2022, n° 15136/20, §52).
Vie privée et euthanasie
La Cour estime que le droit d'un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu'il soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d'agir en conséquence, est l'un des aspects du droit au respect de sa vie privée au sens de l'article 8 de la Convention (CEDH, Haas c. Suisse, le 20 janvier 2011, no 31322/07, §51)
Selon la Cour, il n'y a pas de consensus au sein des Etats membres du Conseil de l'Europe sur ce point. Elle note également que l'assistance au suicide a été dépénalisée (au moins partiellement) dans certains États membres, mais, toutefois, « la grande majorité de ceux-ci semble donner plus de poids à la protection de la vie de l'individu qu'à son droit d'y mettre fin », constat qui amène la Cour à statuer que la marge d'appréciation des États est considérable dans ce domaine (§55).
Ceux-ci ont le devoir de protéger les personnes vulnérables qui essaient de se suicider si la décision n'était pas éclairée et prise librement, raison pour laquelle la Cour considère, toujours dans la même affaire (§54, §56), que l'exigence, en vertu du droit suisse, d'une ordonnance médicale, délivrée sur le fondement d'une expertise psychiatrique complète pour se procurer une substance létale, poursuit un objectif légitime ; plus particulièrement, celui de protéger toute personne d'une prise de décision précipitée.
La Cour s'est prononcé également sur la possibilité d'un proche de porter une action devant la Cour en invoquant une violation de son propre droit au respect de la vie privée et familiale vu le refus des autorités nationales d'accorder une dose létale a son épouse (CEDH, Koch c. Allemagne, le 19 juillet 2012, no 497/09). La Cour estime que les critères développés dans sa jurisprudence, notamment l'existence d'une relation familiale étroite, l'intérêt personnel ou juridique suffisant du requérant à l'issue de la procédure et l'expression antérieure de l'intérêt pour l'affaire, peuvent s'appliquer en l'espèce (affaire précitée, §44 et s.) Vu la relation exceptionnellement proche entre le requérant et son épouse, la Cour conclut à la violation des droits procéduraux du requérant au regard de l'article 8 de la Convention, en raison du refus des juridictions allemandes d'examiner sa demande au fond.
L'arrêt d'un traitement maintenant artificiellement la vie
Devant la Cour, s'est posé la question de savoir si la décision d'un médecin de mettre fin à l'alimentation et l'hydratation artificielles d'un patient est contraire aux obligations découlant pour l'État de l'article 2 (droit à la vie) de la Convention (CEDH, Lambert et autres c. France, le 5 juin 2015, no 46043/14).
Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle l'article 2, en consacrant « l'une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l'Europe, impose à l'État l'obligation de s'abstenir de donner la mort « intentionnellement » (obligations négatives), mais aussi de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (obligations positives) ».
Pour vérifier si l'Etat a respecté ses obligations positives découlant de l'article 2, la Cour prend en compte plusieurs critères posés dans les affaires Glass et Burke lorsqu'elle est saisie d'une question de l'administration ou de retrait de traitements. Elle s'intéresse notamment de l'existence - dans le droit et la pratique internes d'un cadre législatif conforme aux exigences de l'article 2 - de la prise en compte des souhaits précédemment exprimés par le requérant et par ses proches, ainsi que de l'avis d'autres membres du personnel médical et également de la possibilité d'un recours juridictionnel en cas de doute sur la meilleure décision à prendre dans l'intérêt du patient.
La Cour constate qu'il n'existe pas de consensus entre les États membres du Conseil de l'Europe pour permettre l'arrêt d'un traitement maintenant artificiellement la vie, même si une majorité d'États semble l'autoriser. Elle note également que, dans ce domaine qui touche à la fin de la vie, il y a lieu d'accorder une marge d'appréciation aux États mais que celle-ci n'est pas illimitée. C'est la raison pour laquelle elle regarde s'il y a un examen approfondi où tous les points de vue peuvent s'exprimer et où tous les aspects sont mûrement pesés en tenant compte d'une expertise médicale détaillée et d'observations générales des plus hautes instances médicales et éthiques.
Irrecevabilité
Dans plusieurs affaires liées à l'euthanasie, la Cour a déclaré les griefs irrecevables, soit à cause des incompatibilités ratione personae (CEDH, Sanles Sanles c. Espagne, le 26 octobre 2000, n° 48335/99 ; CEDH, Ada Rossi et autres c. Italie, le 16 décembre 2008, soit a cause du non épuisement des voies de recours interne (CEDH, Nicklinson et Lamb c. Royaume-Uni, le 23 juin 2015, nos 2478/15 et 1787/15) ou parce que la Cour avait considéré que l'Etat concerné n'avait pas dépassé sa marge d'appréciation (CEDH, Gard et autres c. Royaume-Uni, le 27 juin 2017, no 39793/17).