Soigner les enfants spina bifida ?
Depuis quelque temps, les thèses les plus extrêmes se développent en Europe. Choquantes de prime abord, elles se réclament de quelques cas dramatiques vécus dans la pratique médicale, mais elles trouvent surtout un appui théorique inquiétant dans cette sorte de philosophie morale dénommée "utilitarisme".
Les cas dramatiques
C'est vers 1963 que, à Sheffield (UK), on a commencé à opérer systématiquement les enfants atteints de spina bifida :les progrès dus aux antibiotiques et des techniques d'évacuation du liquide céphalo-rachidien ont permis au pédiatre John Lorber de lancer l'idée que dorénavant il fallait opérer dans les vingt-quatre heures tous les enfants spina bifida, sans exception, avant que la fissure ouverte de la colonne vertébrale ne conduise à des dommages irréparables. Inaugurée en 1963, cette pratique de lutte systématique pour la survie de ces enfants se poursuivit sur une quinzaine d'années.
Les faits montrent que, après 848 opérations de spina bifida à Sheffield, la moitié des enfants étaient encore en vie à l'âge de 15 ans. Et les médecins se demandèrent alors « quel genre de vie attendait ces enfants qu'ils avaient opérés. » Sur ces 424 enfants en vie : moins de 1% étaient non-handicapés ; 17% l'étaient moyennement ; mais 80% étaient gravement handicapés (problèmes graves de reins, hémiplégies, opérations multiples d'hydrocéphalies, et 1/3 de handicap mental grave).
De plus, les souffrances pour ces enfants et leur famille étaient très lourdes, sans compter les difficultés d'accueil dans les institutions. On en vint peu à peu à renoncer au traitement systématique, et à traiter sélectivement les enfants atteints de ce mal. Deux médecins de Liverpool résistèrent à la pratique de l'opération systématique des enfants atteints de spina bifida grave en disant « qu'il ne servait à rien de sauver une vie, lorsque cette vie ne méritait pas d'être sauvée ». Ils décidèrent donc de ne traiter que les cas où il y avait un espoir. Le traitement sélectif apparut ainsi comme « la moins mauvaise solution ». La question ne consistait plus à savoir si un traitement sélectif était judicieux, mais comment l'effectuer.
Mais où situer les limites du non-traitement d'un enfant spina bifida ?