Professeur émérite à l'Université catholique de Louvain, médecin chirurgien spécialiste des greffes de foie, et membre du comité d'éthique des cliniques Saint-Luc, Jean-Bernard Otte a donné ce mardi 20 février 2018 une conférence à l'Académie royale de Médecine de Belgique sur le thème " Don d'organes après euthanasie." Cette conférence fait suite à une première conférence déjà donnée à Tournai le 16 décembre 2017.
Le Prof. Otte a rappelé, dans une vision qu'il assume être tout-à-fait « utilitariste » selon ses propres termes, l'importance de trouver suffisamment d'organes disponibles pour de potentielles transplantations.
En 2016, 321 belges ont donné leurs organes après leur décès, et 113 ont, de leur vivant, donné un rein ou une partie de leur foie. Ces chiffres font des belges les donneurs les plus importants du réseau « Eurotransplant ». Pourtant en Belgique, cette même année, 107 patients en attente d'un organe sont décédées.
Face à la pression et aux besoins d'organes, le comité d'éthique de Saint-Luc réfléchit depuis plusieurs années à certaines possibilités pour élargir les critères et recruter des donneurs potentiels.
Depuis 2005, les organes d'une quarantaine de personnes euthanasiées ont été prélevés en Belgique. Il s'agissait de patients ayant spontanément fait offre de leurs organes. Il s'agit là d'une source potentielle d'organes de plus en plus importante.
Sur base des données relatives aux personnes euthanasiées en Belgique en 2015, le Dr Jan Bollen, du Centre Médical de l'Université de Maastricht, était déjà arrivé à la conclusion qu'au moins 10% des personnes euthanasiées auraient pu donner au moins un organe (Voir Bulletin de l'IEB). 684 organes auraient pu être donnés en 2015, redistribués via Eurotransplant dans les 8 pays membres, et couvrir une partie des 1.288 demandes belges d'organes en attente.
Sur base de ces chiffres, le Docteur Otte a exposé l'interrogation du comité d'éthique de Saint-Luc quant à la possibilité, pour les médecins, d'évoquer eux-mêmes, à leurs patients la possibilité de donner leurs organes, dès lors que ces patients auraient vu leur demande d'euthanasie validée, et pour autant bien sûr que l'affection justifiant leur euthanasie soit compatible avec le don d'organes. (Ce qui n'est pas le cas de personnes touchées par un cancer).
Le patient aurait toujours le droit de se rétracter jusqu'au dernier moment, comme pour toute autre euthanasie.
Un médecin anesthésiste de l'assemblée a poussé plus loin la logique. Il a ainsi proposé la possibilité d'extraire les organes du patient à euthanasier avant sa mort, sous anesthésie générale. Cette opération aurait pour avantage de garantir la qualité des organes (qui doivent être prélevés au plus vite, impérativement dans les 4 à 5 min de l'arrêt cardiaque). Cette proposition n'a pas fait l'unanimité car cela ferait "quand même porter un poids important sur les épaules des chirurgiens" et surtout, la famille n'aurait pas recueilli le "dernier souffle de la personne", ce qui est constitutif du travail de deuil, mentionnait un psychologue de l'assemblée.
Il n'en reste que la question du prélèvement d'organes après euthanasie semble avoir ses émules en Belgique, au point d'en faire la promotion auprès des confrères médecins, qui eux-mêmes pourront le proposer à leurs patients.