Le nombre de personnes euthanasiées sur lesquelles des tissus ou des organes sont prélevés, augmente aux Pays-Bas comme en Belgique. Malgré cela, des médecins considèrent que cette pratique n'est pas encore assez connue et veulent l'encourager pour répondre aux longues files d'attentes pour les transplantations (ex. 761 personnes sur la liste d'attente pour l'implantation d'une cornée).
L'enjeu est de taille : les personnes mourant par euthanasie représentent 4,4 % des décès aux Pays-Bas. Le patient qui connaît le moment de sa mort, peut envisager à temps de donner ou non ses organes et tissus. Il va sans dire que la mort planifiée facilite aussi l'organisation des prélèvements et transplantations.
Aux Pays-Bas, l'euthanasie est pratiquée dans 80% des cas par le médecin traitant à domicile. Le patient peut avoir donné son accord pour qu'on lui prélève, une fois euthanasié, les tissus oculaires, la peau, les valves cardiaques, certaines veines, des tissus osseux ou des tendons. « Après le décès, le matériel corporel doit être congelé dans les 6 heures, dans une morgue, un hôpital ou un funérarium (…) Ce sont les membres de la Fondation néerlandaise pour la Transplantation (NTS) qui se chargent du procédé. » (Voir Flash Expert ICI)
En revanche, le don d'organes après euthanasie (possible pour les reins, les poumons, le foie et le pancréas) requiert que l'euthanasie se passe à l'hôpital, pour qu'on puisse les prélever très rapidement après le décès. « Après 5 min sans battements de pouls, d'inconscience et d'absence de respiration, la mort est décrétée et le donneur est amené en salle d'opération pour qu'on prélève ses organes. » Cela s'est déjà passé pour 46 personnes aux Pays-Bas de 2012 à 2017, et pour 35 personnes en Belgique (depuis 2005). Et la pratique se répand : aux Pays-Bas, contre 1 personne en 2012, 13 patients euthanasiés ont été prélevés en 2017.
Certains regrettent qu'on ne puisse pas donner son coeur suite à une euthanasie, car celui-ci ne bat plus. Dans un article paru simultanément dans Knack et dans le Journal du médecin, le Dr Marc Cosijns relate le cas d'une de ses patientes, qui lui a demandé d'être sédatée (plongée dans l'inconscience), exprimant aussi son souhait qu'on lui prélève ses organes alors qu'elle vit encore. Elle décèderait ensuite du fait du prélèvement. Un voeu que son médecin aimerait exaucer, regrettant que la loi l'en empêche... (Voir Bulletin de l'IEB : Des médecins canadiens demandent d'autoriser l'euthanasie "par" prélèvement des organes)
Les auteurs émettent cependant quelques réserves à la généralisation du don d'organes et de tissus après l'euthanasie, comme la charge psychologique, pratique et administrative que cela ajoute au médecin qui pratique l'euthanasie. « Pratiquer correctement l'euthanasie demande déjà beaucoup au médecin », disent-ils. Ensuite, il n'y a que la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg dont les ressortissants sont autorisés à recevoir des organes prélevés après euthanasie. Enfin, les directives actuelles ne permettent (théoriquement) pas au soignant de parler du don d'organes avec le patient de sa propre initiative en cas d'euthanasie, du fait qu'il n'y ait pas de relation d'égal à égal entre le patient et le médecin, et que le choix du patient pourrait ne pas être totalement libre. Les auteurs suggèrent néanmoins que l'information soit donnée « de façon neutre » au patient sous la forme d'une brochure ou d'une campagne médiatique d'une instance indépendante, par exemple. D'autres proposent que ce soient les médecins-SCEN, spécialisés dans l'euthanasie, qui amènent le sujet.
Le Dr Peter van Rijn a réagi à cet article en montrant son inquiétude face à cette vision utilitariste du futur : « l'euthanasie pour tout le monde, à l'hôpital, après quoi des ateliers de production peuvent absolument tout manipuler pour la réutilisation. Cela ne nous fait-il pas penser à une période antérieure bien connue ? »
Sources : Medisch Contact (27/02/2019) ; Artsenkrant (7/03/2019)