En Estonie, 20% des adultes ont déjà donné leur ADN au gouvernement. Ce pays est le premier à avoir créé une banque publique de collecte et d'analyse d'ADN à l'échelle de toute sa population. Depuis deux ans, le gouvernement accélère son programme génétique et prélève, stocke et analyse les génomes. L'Etat dit vouloir mettre en place la médecine prédictive, en permettant aux praticiens d'utiliser l'analyse génétique pour anticiper d'éventuelles maladies, affiner leur diagnostic et mieux connaitre l'influence du génotype sur l'efficacité des traitements médicamenteux.
Les investissements publics (8 millions d'euros depuis 2017) dans ce programme génétique ont payé : de plus en plus de citoyens se rendent dans les hôpitaux, pharmacies ou laboratoires privés pour se voir prélever du sang afin d'en extraire leur ADN et, s'ils le souhaitent, de recevoir un diagnostic prédictif. 80 % de la population adhère au programme génétique, en partie financé par l'Union européenne, contre 25 % il y a 20 ans. L'Estonie participe d'ailleurs à un programme européen dont l'objectif est de collecter et partager un million de génomes issus de 20 pays différents d'ici trois ans.
L'expérience de Marie, une estonienne de 18 ans, donne un aperçu de cette « campagne » géante : « Notre professeur a décidé que nous devions tous sortir pour aller faire un don d'ADN. Ce n'était pas possible de refuser. Elle nous a dit que c'était pour le futur de l'Estonie. Maintenant, quand j'irai chez le docteur, il m'auscultera puis regardera mon génome et il saura immédiatement ce qui ne va pas. » Une fois le sang prélevé, l'ADN en est extrait, puis numérisé, séquencé et imprimé sur une carte génomique. Chaque citoyen peut accéder à son génome, par ailleurs accessible aux chercheurs du programme, au moyen d'un code.
Un tel programme intéresse maintenant d'autres pays : le Qatar a récemment consulté l'Estonie pour ficher l'ADN de sa propre population. Des initiatives publiques ou privées de collecte d'ADN se multiplient partout dans le monde, encouragées notamment par la découverte de la technique du séquençage à haut débit du génome (plus rapide et moins cher). Certaines sociétés (comme 23andMe aux Etats-Unis, MyHeritage en Israël) proposent à leurs clients de déterminer leur origine tout en vendant les données recueillies. Des banques britanniques, américaines et islandaises collectent l'ADN pour améliorer la recherche sur les maladies rares. La Finlande a récemment investi 80 millions d'euros dans la collecte et le stockage d'ADN. Bref, les données génétiques se profilent toujours plus comme objet précieux de transaction et d'information.
Source : Franceinter.fr (21/05/2019)