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Aux Pays-Bas, la question de l’euthanasie des enfants se pose à nouveau, cette fois pour les enfants de 1 à 12 ans. Le Protocole de Groningen (sorte d’accord entre l’ordre des médecins et le parquet néerlandais) garantit déjà l’absence de poursuite si un médecin met fin à la vie d’un nouveau-né âgé de moins d’1 an, moyennant certaines conditions. Une frange du monde médical réclame désormais l’application de ce régime pour les enfants de moins de 12 ans, âge à partir duquel l’adolescent est éligible pour demander l’euthanasie conformément à la loi.
Une exception à l’interdit de tuer
L’objectif du règlement proposé par le ministère de la Justice, est donc de s’inscrire dans l’exception pénale du « cas de force majeure comme situation d’urgence », contenue dans l’article 40 du Code pénal néerlandais. Les médecins pourraient, de cette façon, mettre fin à la vie d’enfants qui souffrent de façon grave et insupportable, sans crainte d’être poursuivis.
Conditions : « l’enfant ne donne aucun signe d’opposition »
Le projet a été remis aux parlementaires par le ministre de la Justice, et fera l’objet d’une discussion dans l’hémicycle dès octobre. Il prévoit qu’un médecin peut mettre fin à la vie d’un enfant de 1 à 12 ans à certaines conditions :
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La souffrance est sans issue et insupportable pour l’enfant
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Cette souffrance ne peut être soulagée d’aucune façon, même par les soins palliatifs
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Le médecin a parlé du diagnostic et du pronostic avec l’enfant, en fonction de l’état et de la capacité de compréhension de celui-ci, lui a expliqué que mettre fin à sa vie était l’unique façon de supprimer ses souffrances
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L’enfant ne donne aucun signe d’opposition à ce qu’on mette fin à sa vie.
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Les parents sont informés du diagnostic et du pronostic, et du fait que mettre fin à la vie de l’enfant est la seule possibilité pour supprimer sa souffrance
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Les parents ont donné leur accord pour qu’il soit mis fin à la vie de leur enfant
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Le médecin a consulté au moins un autre médecin indépendant, dont l’avis n’est cependant pas contraignant
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Le geste de mort sur l’enfant est effectué « avec soin ».
Avis négatif du Collège des Procureurs généraux
Le ministère a également demandé un avis au Collège des Procureurs généraux, qui s’est exprimé négativement. Le Collège estime en effet que le fait de mettre fin à la vie de personnes qui n’ont pas la capacité de discernement, comme certains enfants de moins de 12 ans, constitue une matière trop importante pour être encadrée par un simple règlement ministériel, et non une loi (votée par le parlement). En ce sens, il met en garde contre la prise de distance croissante à l’égard du droit pénal. Le Collège souligne en outre le manque de clarté – problème apparemment persistant en ce qui concerne le Protocole de Groningen -, notamment concernant la différence entre l’acte médical « normal » autour de la fin de vie, et le fait de mettre activement fin à la vie de l’enfant. Le Collège s’interroge encore : est-ce que le terme de souffrance couvre aussi une qualité de vie insuffisante ? Dans quelle mesure faut-il prendre en compte la souffrance des parents ?
La Fédération des médecins des Pays-Bas (KNMG) a elle aussi rendu un avis négatif par rapport au projet. Elle s’inquiète en particulier des répercussions qui pourraient s’en suivre pour les autres groupes de patients dépourvus de leur capacité de discernement.
De quels cas parle-t-on ?
Dans la perspective de cette réforme et accord avec le ministre, des entretiens ont été réalisés avec les parents d’enfants gravement malades, et qui auraient souhaité qu’on abrège la vie de leur enfant. Ces derniers souffraient principalement de cancers (tumeurs au cerveau) et de maladies neurologiques ou métaboliques, ou encore d’affection du cœur ou des muscles. Les crises d’épilepsie incontrôlables reviennent fréquemment dans les témoignages, de même que l’inefficacité de certaines sédations en fin de vie.
Pour ces parents et les soignants qui entourent l’enfant, l’absence de perspective d’amélioration semble particulièrement difficile à endurer. Attendre la mort et souffrir encore, en quelque sorte, devient un non-sens.
Ces « cas extrêmes » posent d’emblée la question des soins palliatifs pédiatriques, non seulement au niveau de la gestion de la douleur, mais peut-être surtout quant au sens des jours comptés. Ils soulignent l’urgence du progrès médical et sociétal en la matière, que l’approbation d’un geste de mort sur ces enfants risquerait à maints égards de court-circuiter.