Les méthodes naturelles de connaissance de la fertilité : vers une plus grande autonomie des couples 

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Début de vie / Contraception Actualités Temps de lecture : 5 min.

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Longtemps supplantées par la contraception, en particulier par la pilule depuis les années 60-70, les méthodes naturelles de connaissance de la fertilité refont peu à peu surface à la faveur d’une prise de conscience de l’impact de la contraception hormonale sur la santé et sur l’environnement. Le 15 novembre dernier, un congrès réunissant des experts sur les méthodes de connaissance de la fertilité s’est tenu à Louvain avec l’objectif de sensibiliser les médecins et le grand public à l’intérêt de développer ces méthodes.

Face aux problèmes causés par la contraception hormonale d’un côté et par l’infertilité de l’autre, la prise en compte de ces méthodes constitue non seulement un enjeu de santé publique, mais également un enjeu scientifique et politique :  en effet, le nombre croissant mais encore insuffisant d’études académiques constitue un frein à la promotion de ces méthodes naturelles sur le plan des politiques publiques, dans la mesure où elles restent méconnues voire suspectes. 

A l’origine de ce congrès, l’on retrouve plusieurs universitaires flamands et allemands, ainsi que l’association NFP-Vlaanderen (Natural Family Planning), titulaire de la licence Sensiplan®- nom déposé pour désigner la méthode sympto-thermique. Cette méthode combine l'observation de la température corporelle et de la glaire cervicale* de la femme. Si, jusqu’au début du 20e siècle, aucune étude ne permettait d’en tester la fiabilité, les choses ont changé depuis, sous l’impulsion notamment du groupe de travail NFP allemand, soutenu dans les 1984-1991 par le ministère fédéral allemand de la Famille pour financer des recherches académiques sur le sujet. Grâce à ce soutien et à la participation de plusieurs universités depuis 1987, ce groupe de travail est parvenu à recueillir de nombreuses données (notamment statistiques) sur les cycles des femmes. Aujourd’hui, les études (menées principalement en Allemagne, en Autriche et en Suisse) abordent de multiples questions et préoccupations qui démontrent l’intérêt croissant des femmes et des couples pour se réapproprier la connaissance et la maîtrise naturelle de leur fertilité et de leur fécondité. 

 

De la contraception hormonale à la connaissance de la fertilité : vers un rapport au corps plus apaisé 

De nos jours, les effets secondaires de la contraception hormonale font l’objet d’une prise de conscience croissante. La pilule oestroprogestatives, la plus couramment proposée aux femmes, peut ainsi causer des nausées, un gonflement de la poitrine, des maux de tête, de la rétention d’eau, des troubles de l'humeur, ou encore une baisse de la libido. Des effets indésirables graves ont aussi été constatés comme le risque de problèmes vasculaires (phlébite, accident vasculaire cérébral, etc.).  

Par ailleurs, une recherche présentée lors du congrès de Louvain visait à mettre en lumière la conclusion de plusieurs études (Garbett et al. (2020) ; Crider et al. (2014) ; Donhauser (2020)) quant au lien possible et partiellement prouvé entre la prise de contraceptifs hormonaux par les femmes avant la conception et le risques de changements épigénétiques au niveau des ovaires, pouvant avoir une influence sur leur descendance. La prise de contraception hormonale, associée à de nombreux facteurs environnementaux, pourrait ainsi augmenter le risque du trouble du spectre de l'autisme chez leurs enfants. En dépit de ces éléments préoccupants, la contraception hormonale reste largement promue, notamment par la Belgique qui, selon une étude, affichait en 2020 les meilleurs résultats en matière d'accès à la contraception avec un indice de 96.4% parmi 46 pays européens. Cet indice tenait compte de trois critères : l'accès aux moyens de contraception, les conseils en matière de planification familiale et les informations en ligne sur la contraception. 

De son côté, l’Allemagne opère un retour critique sur la contraception hormonale, dont on constate qu’elle est de plus en plus délaissée par les femmes. Prenant acte de cette tendance, les sociétés de gynécologie et d’obstétrique d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche ont publié en janvier 2024 une directive officielle qui analyse les indications, la sécurité d'utilisation, les avantages et les limites des différentes méthodes de contraception non hormonales afin d’en tirer des recommandations.  

Si les méthodes de connaissance de la fertilité gagnent en crédibilité au point de devenir un jour une alternative fiable à la contraception hormonale, l’enjeu est aussi pour elles d’offrir une vraie autonomie aux couples sans tomber dans la mentalité contraceptive* qui peut conduire à accueillir plus difficilement une grossesse non prévue.  Quoi qu’il en soit, ce virage vers une gestion plus naturelle de la fertilité est un signe encourageant pour un rapport plus respectueux au corps de la femme et à son potentiel de fécondité.   

 

La connaissance de la fertilité, premier pas vers la procréation naturelle 

Si les méthodes de connaissance de la fertilité sont largement utilisées en tant qu’alternative naturelle et plus responsable à la contraception, elles sont aussi un allié précieux pour favoriser une procréation naturelle. Le congrès de Louvain a été l’occasion de présenter plusieurs recherches sur les conditions physiques et environnementales d’une bonne fertilité. Le suivi des symptômes de la période fertile est aujourd’hui révolutionné par les applications qui permettent de suivre le cycle, soulevant de nouveaux enjeux quant à la confidentialité des données stockées par des firmes commerciales.   

À l’heure où le recours à la procréation artificielle progresse (42.497 cycles de fécondation in vitro entrepris en Belgique pour la seule année 2021), contournant l’infertilité en entrainant des risques non négligeables pour la santé des femmes et des enfants qui en sont issus, la connaissance du fonctionnement de la fertilité naturelle pourrait devenir un enjeu de santé publique.  

 

 

*La glaire cervicale est une substance produite par le col de l’utérus dont l’abondance et l’aspect se modifient au cours du cycle sous l’effet des hormones. Pendant la période fertile, la glaire cervicale devient plus abondante, claire, et extensible. Ceci facilite la progression des spermatozoïdes à travers le col de l'utérus jusqu'à l'ovule, augmentant ainsi les chances de conception. 

*La mentalité contraceptive désigne le risque de transformer les méthodes de planification naturelle familiale qui ne modifient pas la fécondité de la femme ni ne suppriment la possibilité de conception, en méthode de contraception. Dans ce cas, l’ouverture à l’imprévisible d’une conception qui peut néanmoins survenir, est plus délicat.