Comment se fait-il que certaines personnes reçoivent des soins « inappropriés » en Belgique ?
En collaboration avec des chercheurs de l'UCL et de l'UAntwerpen, le KCE (Centre fédéral d'Expertise des Soins de santé) a analysé les publications belges sur la question et a lancé une vaste étude (Rapport de plus de 200 pages) impliquant prestataires de soins, patients, proches, et bénévoles.
Il en ressort que les soins sont considérés comme « appropriés » quand ils sont adaptés aux besoins individuels de chaque patient et tiennent compte des souhaits. S'ils lui apportent confort et qualité de vie, et donnent un sens à la dernière phase de sa vie. Dans la pratique, les visions quant à la signification concrète de ces concepts divergent fortement, d'où l'importance de donner à chacun la possibilité d'exprimer à l'avance ses souhaits pour sa fin de vie.
La Planification anticipée des soins (« Advanced Care Planning ») est une solution qui doit devenir générale pour le KCE. Elle doit même intervenir avant toute maladie grave, de préférence avec son médecin généraliste, qui en conserverait une trace écrite dans le dossier médical. Il est essentiel que les décisions prises soient accessibles, via le dossier médical électronique, à tous les médecins susceptibles de prendre une décision à la place du patient.
Cette démarche pose encore problème, constate le KCE, dans un contexte social où les patients, leurs proches et les soignants éprouvent tant de difficultés à aborder le sujet « tabou » de la mort. Or, en l'absence de souhaits pré-enregistrés du patient, la famille doit décider à sa place, et les membres d'une famille sont souvent divisés sur la question…
Le KCE constate aussi que les soins palliatifs, lorsqu'ils sont disponibles, sont souvent mis en place trop tard. Chez les patients qui éprouvent des difficultés à prendre des décisions au sujet de leur traitement, par exemple ceux atteints de démence, elle remarque que le personnel soignant prend moins de mesures pour lutter contre la douleur et les autres symptômes. Les soignants ont un rôle majeur dans la réussite des soins de fin de vie. Mais les pressions de travail et le manque de formation ne leur donnent pas toujours les réflexes et aptitudes de communication nécessaires.
Les médecins sont formés à soigner en vue de guérir : ne pas traiter, ou traiter autrement, est généralement vu comme un échec. Le financement actuel des soins de santé va dans le même sens, car les institutions de soins et les médecins sont souvent payés « à l'acte ». Le KCE estime que ce type de financement incite au "faire" plutôt qu'au "laisser faire" : ne rien faire semble ne pas être une option dans la société actuelle.
Le KCE demande à que les soignants reçoivent la possibilité de parler avec leurs patients à temps de leurs souhaits de fin de vie, ainsi qu'une formation en soins palliatifs dans leur cursus. Il préconise aussi des initiatives visant à sensibiliser le grand public à réfléchir à ce que l'on veut lorsque la fin de la vie approche, et à oser en parler autour de soi. Il est également indispensable que l'Etat facilite financièrement la planification anticipée des soins et certains aspects qualitatifs des soins de fin de vie, comme la présence, l'écoute et la collaboration interdisciplinaire.
Qu'est-ce que la planification anticipée des soins ? La planification anticipée des soins ou Advanced Care Planning (ACP) est un processus de concertation entre le patient, ses proches et les dispensateurs de soins en vue de définir une orientation commune des soins et des traitements à mettre ou non en oeuvre. L'ACP vise à fixer un objectif thérapeutique basé sur les valeurs et les priorités du patient. C'est une démarche proactive et anticipative, qui facilite les prises de décision dans les situations d'urgence ou lorsque le patient n'est plus en état d'exprimer clairement ses volontés. (D'après la Fédération bruxelloise des soins palliatifs et continus )