Dans un avis adressé à la Cour suprême, le procureur général des Pays-Bas considère que le consentement verbal du patient au moment de l'euthanasie n'est pas indispensable, dans le cas où il est atteint de démence et a rempli antérieurement une déclaration anticipée relative à l'euthanasie.
Cet avis s'inscrit dans le cadre de l'affaire dite de la « koffie-euthanasie » (euthanasie-café), nommée ainsi du fait de l'administration d'un sédatif, par le médécin, dans la tasse de la personne atteinte de démence, afin de pouvoir l'euthanasier. Cette dernière avait certes préalablement déclaré par écrit vouloir l'euthanasie, mais « à sa demande » et « quand elle estimerait que le moment était venu ». Malgré ces précisions et l'attitude confuse de la patiente, le médecin n'avait pas jugé nécessaire de requérir son consentement pour procéder à l'euthanasie. Le médecin et la famille avaient d'ailleurs été amenés à retenir de force la patiente, celle-ci se débattant au moment de la mise sous intraveineuse et de l'injection de la substance létale.
Contre l'avis du bureau disciplinaire des soins de santé, de la Commission de contrôle régionale de l'euthanasie, mais aussi du Ministère public, le Tribunal de La Haye avait considéré, en septembre dernier (cfr. News IEB), que le médecin avait respecté les précautions légales pour cette euthanasie.
Le Procureur général des Pays-Bas considère toutefois que ce jugement d'acquittement n'est pas suffisamment clair. En déposant ce « pourvoi dans l'intérêt de la loi » - sans incidence sur l'acquittement du médecin –, celui-ci souhaite voir affirmé clairement, par la Cour suprême des Pays-Bas, que le consentement verbal des personnes atteintes de démence n'est pas nécessairement requis au moment de l'euthanasie. Dans son avis, le Procureur général soutient que, dans le cas des personnes démentes « qui ne peuvent plus construire ni exprimer leur volonté de manière cohérente », « la déclaration anticipée peut acquérir le même statut que la demande orale ». Il incombe dès lors à la personne de rédiger sa déclaration anticipée « le plus clairement possible, quant aux circonstances pour lesquels le souhait de mourir est exprimé ».
Le Procureur général insiste sur la nécessité, pour les juges, de reconnaître une « large marge d'appréciation » au médecin en la matière. Toutefois, « il ne peut exister de contre-indications (tels que des signes clairs que le patient ne souhaite pas d'euthanasie) » ; il appartient d'ailleurs au médecin de « s'en assurer attentivement ». Ce dernier point constitue précisément l'enjeu principal de l'affaire en l'espèce.
En Belgique, la loi prévoit clairement que la déclaration anticipée relative à l'euthanasie n'est pas valable en cas de démence mais seulement dans le cas des personnes plongées de manière accidentelle et irréversible dans un état d'inconscience. Une proposition de loi (cfr. News IEB) a récemment été déposée pour élargir le champ d'application de la déclaration anticipée aux cas de démence.
La perspective d'un tel élargissement de la loi soulève pourtant de sérieuses questions. Outre l'enjeu lié à la validité du consentement du patient, c'est aussi l'idée d'une démence nécessairement synonyme de souffrance qui est questionnée.
L'arrêt de la Cour suprême est attendu pour le printemps 2020. Il s'agira du premier arrêt rendu par la Cour suprême au sujet de l'interprétation de la loi néerlandaise de 2002 relative à l'euthanasie.
Sources: rechtspraak.nl - medischconctact.nl
Pour aller plus loin :
News IEB 11/9/19 - La justice néerlandaise acquitte un médecin poursuivi pour meurtre
Flash expert IEB - L'euthanasie pour les personnes démentes : éléments de réflexion