Le 11 mars 2020, cinq députés uruguayens ont déposé une proposition de loi pour dépénaliser l'euthanasie et le suicide assisté. Le texte prévoit que ne pourra être poursuivi pénalement le médecin qui provoquera la mort ou assistera dans son suicide une personne adulte, “capable psychologiquement”, “atteint d'une maladie terminale, irréversible et incurable ou endurant des souffrances insupportables”. Ces critères, sujets à interprétation, ne sont assortis d'aucune définition ou autre précision. On en déduit que le fait d'endurer des souffrances insupportables pourrait suffire, une fois respectées les conditions de forme, pour obtenir l'euthanasie.
Le médecin doit s'assurer de la volonté libre du patient à être euthanasié, et “l'informer des possibilités thérapeutiques et palliatives disponibles”, sans pour autant que la curabilité de la maladie ne constitue un obstacle à l'euthanasie. L'avis d'un deuxième médecin est requis sans être contraignant. Une deuxième visite médicale est nécessaire pour s'assurer de la volonté persistante du patient de mourir, au minimum 15 jours après la première visite. Après un deuxième temps d'attente de minimum 3 jours, le patient peut poser sa demande par écrit et le médecin peut provoquer sa mort. Théoriquement, le temps écoulé entre la première demande d'euthanasie et la mort du patient pourrait donc se limiter à 18 jours.
La proposition de loi prévoit un contrôle à posteriori de la procédure d'euthanasie par la Commission de Bioéthique. Elle ne fixe aucune sanction spécifique, laissant la Commission soumettre les cas suspects au Procureur qui décidera lui-même du sort qu'il réserve à ces cas.
Aucune clause de conscience n'est prévue dans le chef du médecin ni du personnel médical. Selon le député porteur de la proposition, Ope Pasquet, la liberté du médecin de refuser de pratiquer une euthanasie serait implicite.
Pour justifier la mesure, les députés argumentent que l'euthanasie se pratique déjà en Uruguay, dans la clandestinité, et qu'il faut donc protéger les médecins des poursuites pénales qu'ils risquent en “accédant à la volonté de leurs patients de mourir”. La question a surgi suite à l'appel médiatisé de Fernando Sureda, une personnalité connue en Uruguay pour sa gérance de l'Association de Football. Celui-ci est atteint d'un sclérose latérale amyotrophique et souhaite obtenir l'euthanasie avant que son état ne se dégrade davantage. Le débat souffre par ailleurs d'une confusion entre les soins palliatifs et l'euthanasie, entretenue notamment par le neurologue Frederico Preve à propos de la sédation palliative qu'il qualifie de “zone grise” entre le soulagement de la souffrance et le fait de hâter la mort. Une allégation à laquelle a fermement réagi Adriana Della Valle, présidente de la Société des Soins Palliatifs en Uruguay : “Il n'y a rien de gris (...). “L'intention de l'euthanasie est de tuer”, alors que la sédation palliative vise à “soulager la souffrance jusqu'à ce que la fin arrive”. Pour cette médecin, l'alternative à la proposition de loi est d'allouer davantage de ressources pour combler le manque de soins palliatifs. En effet, actuellement, seule une personne sur deux en Uruguay a accès aux soins palliatifs.