La fin progressive de la crise sanitaire est l'occasion de dresser un premier bilan de l'impact sociétal du confinement, en particulier concernant les personnes âgées.
L'on sait en effet le lourd tribut qu'a payé cette catégorie de la population, tant du point de vue des décès que de l'isolement.
Au coeur de la tourmente, les maisons de repos se sont vu contraintes de couper leurs résidents de tout contact physique avec l'extérieur, en ce compris leurs proches.
Confinement et "euthanasie passive"
Si un tel isolement a pu être jugé nécessaire pour ralentir la propagation du virus, son coût s'est indéniablement répercuté sur le moral des résidents. Le syndrome de glissement (décès par désespoir) est difficilement quantifiable mais non moins tangible. Plusieurs institutions n'ont alors pas hésité à parler d' « euthanasie passive », expression désignant le sacrifice dont auraient été l'objet les personnes âgées en maison de repos : le refus quasi-systématique de prise en charge à l'hôpital dont ces résidents ont fait l'objet aurait ainsi permis d'éviter l'engorgement des services hospitaliers de soins intensifs. L'absence de soins hospitaliers appropriés a inexorablement conduit de nombreux résidents infectés par le COVID-19 à décéder en maison de repos. Si la saturation hospitalière n'a finalement jamais été atteinte, il est aujourd'hui encore difficile de mesurer l'impact et la pertinence de ce refus de prise en charge.
Isolement et demande d'euthanasie
Par ailleurs, dans un pays tel que la Belgique où l'euthanasie est dépénalisée, il est permis de s'interroger sur l'impact de cet isolement sur les demandes d'euthanasie – au sens classique du terme.
A cet égard, le directeur de la maison de repos ‘De Wending' à Turnhout a fait part d'une augmentation inédite des demandes d'euthanasie au sein de son institution depuis le début du confinement. Luc Op de Beeck explique cette augmentation par le fait que « la soif de vivre de ces résidents a disparu après deux mois passés sans la moindre visite physique ». Outre les trois personnes ayant introduit une demande formelle d'euthanasie, le directeur estime que « de nombreux autres résidents y songent également, sans pour autant l'avoir exprimé ».
Par-delà les questionnements qu'il suscite du point de vue des mesures de confinement, cet exemple illustre le lien étroit pouvant être régulièrement établi entre une demande d'euthanasie et la solitude de la personne qui formule cette demande. Face à l'isolement physique et/ou psychique, c'est généralement le besoin d'accompagnement qui est avant tout exprimé par la personne qui dit vouloir mourir.
Quoi qu'il en soit, il n'est aujourd'hui pas possible de conclure à une augmentation globale des demandes d'euthanasie en Belgique depuis le début de la crise sanitaire. D'aucuns évoquent par ailleurs la tendance à ce que soient reportées certaines demandes d'euthanasie formulées juste avant le confinement. Un tel report s'explique en partie par le désir des personnes de pouvoir ritualiser l'acte euthanasique, le cas échéant entourés de certains proches – chose rendue plus ardue durant le confinement. Plus largement, il est également permis de voir dans cette possible baisse des euthanasies le signe d'une volonté actuelle de la société de se battre pour la protection de la vie des personnes fragiles.
Tendance passagère ou évolution durable ? Les prochains mois nous le diront peut-être, de même que les chiffres relatifs au nombre d'euthanasies déclarées pour l'année – et, plus encore, le printemps – 2020.