Le Tribunal de La Haye a acquitté aujourd'hui un médecin poursuivi dans le cadre de l'euthanasie d'une personne atteinte de démence. Il a jugé que le Dr Catharina A. avait agi conformément à la loi et avait pris toutes les précautions nécessaires en euthanasiant sa patiente sur base d'une déclaration anticipée d'euthanasie. Le Ministère public ne partage pas l'avis du tribunal et envisage de faire appel de la décision.
Pour rappel, dans une déclaration de volonté rédigée un an avant l'euthanasie, la patiente disait vouloir l'euthanasie si un jour elle devait entrer en maison de repos, mais ce « sur sa demande » et « quand elle estimerait que le moment était venu ». Or, une fois la démence avancée, la patiente ne savait plus ce que signifiait l'euthanasie. Le médecin n'a pas demandé à sa patiente si elle souhaitait toujours mourir avant de lui administrer un sédatif dans son café pour procéder à l'euthanasie. De plus, il n'a pas interrompu la procédure en voyant que celle-ci se débattait au moment de la mise sous intraveineuse et de l'injection de la substance létale. Le médecin et la famille ont dû retenir de force la patiente. Suite à cela, non seulement le bureau disciplinaire des Soins de Santé de La Haye, mais encore la Commission de contrôle régionale de l'euthanasie (2016-85), ont tous deux considéré que ce médecin avait agi sans diligence raisonnable, car il avait exécuté l'euthanasie alors qu'il ne pouvait être certain du caractère volontaire et réfléchi de la demande.
Pourtant, le tribunal a jugé aujourd'hui que les précautions pour cette euthanasie (imposées par une directive) avaient été respectées : le médecin a pris connaissance de la déclaration anticipée d'euthanasie, s'est entretenu avec la famille et l'équipe de soins, et a consulté deux médecins-conseils. Quant à vérifier si la volonté de mourir était toujours présente chez le patient au moment de l'euthanasier, selon le tribunal, une telle précaution n'est pas nécessaire et bien plus, elle minerait le concept-même de la déclaration anticipée d'euthanasie.
C'est bien là le point qui divise : le Ministère public estime qu'il est nécessaire de s'assurer que le patient veut vraiment et actuellement mourir avant de l'euthanasier, et que la déclaration anticipée ne suffit pas.
Plus profondément, c'est toute la question de l'euthanasie sur base d'une déclaration anticipée que cette affaire fait ressurgir. Car si l'on s'en tient au jugement du tribunal, le simple fait de rédiger une déclaration anticipée d'euthanasie suffit à figer la volonté de mourir du patient pour l'avenir, peu importe ce qu'il manifestera (indécision, volonté de vivre) lorsqu'on viendra l'euthanasier conformément à sa déclaration. Ainsi, le patient euthanasié sur base d'une déclaration anticipée, peut ne plus se souvenir de cette déclaration ni même se rendre compte de ce qui lui arrive, comme ce fut le cas ici.
Contrairement aux Pays-Bas, la Belgique n'autorise pas l'euthanasie des personnes à un stade avancé de démence. Une déclaration anticipée d'euthanasie ne trouve application qu'en cas de coma irréversible.
Pour aller plus loin, voir le Flash expert de l'IEB « L'euthanasie des personnes démentes : éléments de réflexion ».