Belgique : les médecins plus réticents à pratiquer l’euthanasie

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Fin de vie / Euthanasie et suicide assisté Actualités Temps de lecture : 2 min.

 Imprimer

Les médecins formés à la pratique et au conseil en matière d'euthanasie manifestent davantage de réticence qu'auparavant, en particulier par rapport à l'euthanasie de patients psychiatriques et aux euthanasies pratiquées sans l'accord de la famille. C'est ce qui ressort d'un sondage réalisé auprès de plus de 180 médecins ayant suivi la formation LEIF (LevensEinde InformatieForum), un cursus destiné aux médecins souhaitant se former en matière de fin de vie et d'euthanasie.

L'affaire Tine Nys semble avoir joué un rôle déterminant dans cette évolution. Pour rappel, ce cas concernait l'euthanasie d'une jeune femme atteinte de dépression, dont la famille a porté plainte contre les trois médecins impliqués dans l'euthanasie. Ceux-ci furent finalement relaxés lors du procès d'assises début 2020, mais le médecin qui avait pratiqué l'euthanasie de Tine fait actuellement l'objet d'un procès au civil. Le sondage montre qu'un médecin « LEIF » sur cinq dit avoir changé de position par rapport à l'euthanasie depuis ce procès.

Avant le procès Nys, on comptait 7 médecins LEIF sur 10 disposés à pratiquer eux-mêmes l'euthanasie, contre 5,5 médecins à présent. Les médecins disposés à rendre un avis dans le cadre d'une procédure d'euthanasie sont aussi moins nombreux depuis quelques mois : contre 3 sur 4 auparavant, ils ne sont plus que 2 sur 3. Ces médecins sont aussi plus nombreux à requérir l'accord de la famille avant d'accepter d'euthanasier un patient. Dans l'ensemble, ils ne se sentent pas en mesure d'évaluer la souffrance psychiatrique et même ceux qui continuent de pratiquer des euthanasies pour ce genre de cas, se disent désormais plus prudents. Rappelons que selon une enquête réalisée par MediQuality il y a un an, 4 médecins sur 10 au Benelux estiment que l'euthanasie ne devrait pas être autorisée pour des cas de souffrance psychique insupportable (alors qu'elle y est aujourd'hui légale).

Le Prof. Wim Distelmans, président de la Commission de contrôle de l'euthanasie et lui-même médecin pratiquant des euthanasies, qualifie de « triste tendance » la réticence plus générale des médecins à l'égard de l'euthanasie depuis quelques mois, tendance qui s'observe également lorsque l'euthanasie est demandée pour souffrance physique.

Ce repli ne s'explique-t-il que par le récent procès aux assises, ou est-il révélateur d'un malaise plus profond qui commence à se faire sentir au sein de la profession médicale par rapport au fait de provoquer intentionnellement la mort de leur patient ?

Ce n'est pas anodin si dans un tel contexte, les médecins qui refusent de pratiquer l'euthanasie sont depuis avril 2020 tenus d'adresser leurs patients à un « centre spécialisé en matière de droit à l'euthanasie », selon la loi nouvellement modifiée. Dans l'exposé des motifs du texte de loi, le législateur fait expressément référence au forum LEIF et à l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), son alter ego francophone. Ces deux entités, d'initiative privée, se sont spécialisées dans le conseil et la pratique de l'euthanasie, centralisant peu à peu l'information sur - et la pratique de l'euthanasie. Elles militent par ailleurs activement pour un élargissement continu des conditions d'accès.