Au sein du Parlement fédéral belge, le climat se montre de plus en plus favorable à la légalisation de la gestation pour autrui (GPA) non-commerciale. Le parti chrétien-démocrate flamand (CD&V), qui s'était jusqu'alors limité à vouloir interdire la GPA commerciale, a annoncé au début de la semaine être ouvert à un encadrement de la pratique des mères porteuses moyennant certaines conditions. Il rejoint en cela l'appel de la gauche flamande (Vooruit) en septembre dernier, qui souhaite faire avancer sa proposition de loi autorisant la GPA non-commerciale. La position du CD&V est déterminante car lors des négociations gouvernementales, ce parti avait obtenu qu'aucun dossier éthique ne soit traité sans qu'il n'y ait de consensus parmi les parti au gouvernement.
Il est question de GPA dite « de haute technologie », à savoir, qui repose sur la technique de fécondation in vitro avec transfert de l'embryon dans l'utérus de la mère porteuse. Celle-ci n'aurait pas le droit de fournir ses propres ovocytes et l'enfant devrait être conçu à partir des gamètes d'au moins une des deux personnes du « couple demandeur ». Le cadre envisagé prévoit en outre que l'enfant doit pouvoir accéder à ses origines biologiques, y compris au nom de sa mère porteuse. Celle-ci ne peut être rémunérée, mais bien défrayée des coûts divers qu'entraîne une grossesse. Par ailleurs, elle doit habiter en Belgique depuis au moins trois ans et avoir déjà eu au minimum un enfant. Du moment que le couple demandeur est dans l'impossibilité de concevoir naturellement un enfant et qu'il fait preuve d'une « relation durable », il pourrait prétendre à une GPA. En pratique, il s'agit principalement de couples homosexuels masculins.
L'annonce n'est certainement pas sans lien avec la tenue du salon de GPA commerciale « Men Having Babies » début novembre dans un fameux hôtel bruxellois. Chaque année, ce salon vise à proposer à des adultes (en particulier des couples d'hommes, mais également des célibataires) de conclure un contrat avec une mère porteuse, dont le choix se fait sur catalogue, afin d'obtenir la remise d'un enfant. Malgré les manifestations récurrentes contre cette promotion et organisation de « vente d'enfants », le monde politique belge n'a jamais osé réagir fermement.
A ce stade, il convient de rappeler quelques points hautement problématiques d'une GPA même si celle-ci bénéficie d'un « encadrement » et n'est pas rémunérée. Ces points ont été évoqués par le Comité de Bioéthique de Belgique dans un avis de 2004 :
A savoir,
Les risques médicaux pour la femme et l'enfant : une grossesse n'est jamais sans risques. A cela s'ajoutent les risques liés à la technique de fécondation in vitro, tant pour la mère que pour l'enfant : hyperstimulation ovarienne, fausses couches, prématurité, … sans compter la destruction ultérieure des embryons conçus « en réserve ».
Les problèmes liés à l'attachement affectif de la mère avec l'enfant : pour la mère suite à l'abandon de l'enfant (ex : dépression) et pour l'enfant (traumatisme d'abandon). Et si la mère s'interdit tout attachement, le lien avec l'enfant porté risque d'être insuffisant et d'induire de la négligence par rapport à la grossesse et à la santé du bébé.
Les problèmes relationnels vis-à-vis de la mère porteuse : avec son mari ou partenaire, poussé au désengagement par rapport à la grossesse, avec les autres enfants qui peuvent vivre la remise de leur « frère ou soeur » comme un abandon.
Les problèmes relationnels entre les parents demandeurs et la mère porteuse, notamment lorsque l'engagement de la mère porteuse est ressenti comme trop intrusif. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, « les problèmes se posent peut-être de manière beaucoup plus intense que la relation avec la mère porteuse est plus intime (une amie, une soeur, une mère) », prévient le Comité.
La difficulté de tirer une frontière nette entre la rémunération et la compensation financière pour la grossesse. Le Comité donne à cet égard l'exemple du Royaume-Uni, où l'on considère 15 000 livres comme étant une indemnité raisonnable. La motivation peut donc s'avérer économique même si les seuls frais réels sont compensés…
La question sans doute la plus fondamentale, comme le note l'avis, est de savoir si naître d'une mère porteuse est bien dans l'intérêt de l'enfant. Il faut ici pointer la psychanalyse qui montre que des traumatismes psychologiques sérieux pourraient se présenter chez des enfants nés d'une grossesse pour autrui.
Actuellement en Belgique, des gestation pour autrui ont lieu avec l'aide de certains hôpitaux, qui fixent eux-mêmes leurs conditions. A la naissance, la mère porteuse reste juridiquement la mère de l'enfant jusqu'à ce qu'elle l'abandonne officiellement et que le couple demandeur obtienne son adoption par voie judiciaire. Un « encadrement » légal de la GPA non commerciale signifierait une modification du droit de la filiation : les partenaires demandeurs seraient désigné comme les parents de l'enfant dans une convention reconnue et conclue avant la grossesse. Ils obtiendraient ainsi juridiquement le droit de revendiquer l'enfant à sa naissance – enfant-objet dont on dispose par contrat, ce qui, rappelons-le, était formellement rejeté par la proposition de loi du CD&V d'il y a … deux ans : « Nous ne voulons pas toucher aux règles du droit de la famille, du droit de la filiation ou du droit de l'adoption. Sur le plan du droit de la famille, on maintient la règle selon laquelle la mère qui accouche est la mère juridique de l'enfant. L'enfant a droit à la sécurité que lui apporte cet ancrage dans le droit de la famille. » (…) « Contraindre une mère porteuse à céder son enfant est un acte inhumain. Pouvoir garder l'enfant qu'elle met au monde est un droit fondamental reconnu à toute femme. »
A La Haye, un groupe d'experts se réunit précisément ces jours-ci – et chaque année depuis 2015 - dans le but de mettre en place un instrument de droit international pour faciliter la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères en matière de filiation résultant de conventions de mères porteuses.