En août et septembre prochains, le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) des Nations Unies examinera la situation des personnes handicapées et de leurs droits en Belgique. Parmi les questions qui pourraient être soulevées, figurent les implications du dépistage systématique de la trisomie 21 au stade de la grossesse.
Le CRPD, composé d’experts indépendants, évalue de manière périodique les progrès, défis et manquements des États parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, concernant le respect de leurs engagements en la matière. Adoptée en 2006, cette convention a été ratifiée en 2009 par la Belgique, qui fait partie des pays faisant l’objet d’un examen lors de la prochaine session de travail du CRPD (du 12 août au 6 septembre).
Plusieurs organisations de la société civile, ainsi qu’Unia (institution publique indépendante compétente notamment en la matière) ont déjà pu déposer des contributions écrites en amont de cette session, afin de faire part de leurs remarques s’agissant du respect des droits des personnes en situation de handicap ces dernières années sur le territoire belge.
Quelle inclusion pour les personnes handicapées ?
Parmi les thématiques entrant en ligne de compte dans l’examen du CRPD, on retrouve les enjeux relatifs à la participation et à la consultation des personnes en situation de handicap mental et/ou physique, dans la sphère politique et citoyenne (notamment concernant le droit de vote lors des élections). L’inclusion des personnes handicapées sur le plan professionnel constitue également un point d’attention important.
Par ailleurs, l’examen de 2024 sera l’occasion pour le Comité de revenir sur les difficultés rencontrées pour les personnes en situation de handicap durant la crise sanitaire liée au Covid-19, dont certaines (vivant en centre d’hébergement) ont été confrontées à des mesures d’isolement complet lors des périodes de confinement.
L’accessibilité des soins de santé que leur situation requiert sera aussi certainement examinée de près (notamment sur le plan de la prise en charge par la sécurité sociale de certaines consultations telles que la logopédie/l’orthophonie).
Du dépistage généralisé à l’extinction progressive des personnes trisomiques
Sur le plan bioéthique, il reste à savoir si le CRPD se penchera sur les implications sociales et éthiques du dépistage généralisé des trisomies au stade prénatal en Belgique, par le biais du NIP-test. Ce test sanguin, non invasif, est systématiquement proposé aux femmes enceintes, et par ailleurs entièrement remboursé par l’État belge. Aucune campagne officielle n’est menée pour encourager les femmes et les couples à garder l’enfant, ou, à l’inverse, à se tourner vers l’avortement en cas de détection d’une trisomie (en particulier pour la trisomie 21, la plus fréquente). Si les soignants sont censés laisser le choix aux couples confrontés à cette annonce, plus de 95% des grossesses sont néanmoins avortées en cas de diagnostic de la trisomie 21 en Belgique (voy. IEB 25/02/2021).
Une telle tendance, présente également dans d’autres pays tels que les Pays-Bas ou la Suède, a déjà suscité les interrogations du comité onusien quant à ses implications sociétales.
Lien entre dépistage et rejet des personnes handicapées
L'accueil de plus en plus positif réservé par nos sociétés aux personnes trisomiques contraste en ce sens fondamentalement avec l'appréciation du caractère indésirable de la naissance de ces mêmes personnes. Le risque existe alors que, leur handicap ayant pu être dépisté et leur naissance ayant pu être évitée, les parents de ces enfants soient perçus ou présentés comme d’autant plus responsables de leur prise en charge, voire de leur situation.
En mars dernier, dans ses observations relatives à la Suède, le CRPD exprimait ainsi sa « préoccupation » concernant « les attitudes négatives à l’égard des personnes handicapées, en particulier des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, qui sont omniprésentes dans les procédures et la prise de décisions concernant les dépistages prénatals et l’interruption de grossesse et orientées vers la disparition de certains types de déficiences intellectuelles ». Le Comité recommandait aux autorités suédoises de « veiller à ce que les conseils médicaux et sociaux dispensés par des professionnels sur les dépistages prénatals et l’interruption de grossesse ne véhiculent pas d’attitudes négatives à l’égard des personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial et n’aient pas pour objectif de faire disparaître certains types de déficience ».
Le recours massif au dépistage et à l'avortement tranche par ailleurs avec l'amélioration continue des conditions de vie des personnes porteuses de trisomie 21, tant du point de vue de leur santé que de leur intégration sociale et professionnelle.