Aux Pays-Bas, l'ouverture d'une biobanque fœtale fait bondir les dons de tissus fœtaux après avortement

Auteur / Source : Publié le : Thématique : Statut du corps humain / Don d'organes, de tissus et de sang Actualités Temps de lecture : 3 min.

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Selon une étude parue en 2024 dans le Journal of the American Medical Association, les dons de tissus fœtaux après un avortement ont augmenté de façon significative aux Pays-Bas, passant de 1,2 % (8 dons sur 663 avortements) à 21,7 % (132 dons sur 609 avortements), après la création d’une biobanque fœtale néerlandaise. Pour les auteurs de l’étude, l’intégration des options de don dans les conseils sur la phase post-avortement pourraient « améliorer éthiquement l’acquisition de tissus pour un progrès médical continu ».  

L’étude menée auprès de 1272 participantes entre 2008 et 2022 a montré un taux de consentement de l’ordre de 30.3% chez les participantes informées de l’option du don après la création en 2017, de la Dutch Fetal Biobank (DFB). Parmi les principales caractéristiques analysées chez les femmes ayant consenti au don (âge de la mère, origine ethnique, statut socio-économique etc.), seuls l’âge gestationnel au moment de l’avortement et la raison de l’avortement avaient une incidence sur la probabilité de consentir au don. L’étude a ainsi relevé une association entre l’augmentation de l’âge gestationnel et une diminution de la probabilité de consentir au don. Ceci s’expliquerait par « le développement de symptômes de deuil compliqué, de dépression postnatale et de stress post-traumatique après l’interruption de la grossesse ». En revanche, chez les femmes qui ont avorté pour des raisons sociales, il a été constaté une probabilité accrue au don. Il s’agit ici souvent de grossesses non désirées pour lesquelles le lien est moins fort entre la mère et son bébé, ce qui, selon les auteurs, rendrait les femmes « plus réceptives aux avantages sociétaux du don ».  

Un don utile pour compenser l’avortement : quid de l’autonomie des femmes ? 

Selon les auteurs de l’étude, la proportion importante de femmes disposées à donner les tissus de leur fœtus avorté pourrait en effet s’expliquer par le fait d’éprouver « un sentiment de réconfort ou d’utilité en sachant que leur don peut mener à des progrès médicaux ». Offrir cette option remplirait, selon les auteurs, « une obligation éthique pour la communauté médicale d’informer et de fournir aux individus un choix qui peut s’aligner sur leurs valeurs et leurs préférences comme alternative à l’inhumation ou à la crémation ».  Depuis la création de la biobanque, les patientes du Centre médical universitaire d’Amsterdam (UMC) qui ont pris la décision d’avorter sont systématiquement informées de la possibilité de donner des tissus fœtaux. Cette banque a été créée pour faciliter l’accès aux échantillons embryonnaires et fœtaux jusqu’à l’âge gestationnel de 24 semaines de grossesse afin de répondre à la pénurie de tissus fœtaux humains. Depuis sa création, la biobanque fœtale a soutenu plusieurs projets de recherche, notamment des études sur le développement de la rate humaine, le développement trachéal et la maturation de la barrière épithéliale intestinale fœtale humaine.  

Aussi louables que soient les buts poursuivis par ces recherches, on ne peut occulter l’origine très problématique des tissus fœtaux issus d’avortements et l’influence du contexte de l’avortement sur la décision des femmes. Bien que selon la DFB, la possibilité du don ne doive être évoquée qu’après la décision d’avorter, cette option pourrait finir par colorer l’avortement lui-même d’une dimension altruiste et peser, de façon insidieuse, sur la décision des femmes d’avorter.  

Le problème demeure l’origine de ces tissus, considérés comme une ressource pour la recherche et objets d’espoirs thérapeutiques alors même qu’ils sont issus de fœtus dont on a provoqué l’avortement. Si sacrifier une vie permet finalement d’en sauver d’autres, à terme, le risque n’est-il pas de banaliser encore davantage l’avortement en lui donnant une issue bénéfique ? La question se pose également de savoir dans quelle mesure une recherche scientifique ou la mise au point d’un traitement peuvent réellement bénéficier à la société s’ils reposent en amont sur la suppression d’un être humain. Cette pratique fait écho au prélèvement d’organes après une euthanasie. Peut-on atténuer un geste de mort par le bénéfice de sauver des vies ?  

Pour aller plus loin :  Don d'organes & euthanasie : éthiquement compatibles ? 

Photo : H. Hach