D’après une étude du Canadian Medical Association Journal publiée en janvier dernier, le nombre de donneurs d’organes décédés par euthanasie au Québec est passé de 4.9% (8 donneurs sur 164) en 2018 à 14% (24 donneurs sur 171) en 2022. Si le don d’organes dans de telles circonstances est possible depuis 2015, un nouveau pas décisif a été franchi en 2018.
Depuis cette date, Transplant Québec qui coordonne le processus de don d’organes encourage les médecins à parler du don d’organes aux patients qui ont choisi l’euthanasie et qui ne sont pas atteints de cancer métastasique.
Cette évolution interroge quant à la confusion qui s’installe autour de ces deux pratiques à valeur morale totalement différentes, voire inconciliables. Peu à peu, l’altruisme du don d’organes finit par masquer l’atteinte grave portée à la vie et à la dignité de la personne euthanasiée. Loin de s’alarmer de ce glissement utilitariste, le Dr Matthew Weiss, directeur médical du don d’organes à Transplant Québec et auteur de l’étude voudrait renforcer l’information et améliorer les conditions pour le don d’organes après une euthanasie. Selon lui, environ 10 % des gens qui demandent l'euthanasie (“Aide Médicale à Mourir” au Québec) seraient admissibles pour faire un don. L’étude souligne également la hausse corrélée des euthanasies et du don d’organes. On est ainsi passé de 968 patients euthanasiés entre 2017 et 2018 à 3663 patients entre 2021 et 2022.
L’âge moyen des donneurs après une euthanasie est de 60 ans et la plupart sont des hommes. Le diagnostic le plus courant chez cette population sont les troubles neurodégénératifs. Il est difficile dans ce contexte de ne pas s’interroger sur l’autonomie réelle d’un patient face à la proposition d’un médecin de donner ses organes. Le Dr Weiss, cité dans la presse, souligne quant à lui « l’impact positif que peut avoir une décision de don d’organes sur le patient en fin de vie ». Or, comment dans ces circonstances s’assurer de l’indépendance entre le don d’organes et la décision de se faire euthanasier ? La possibilité du don d’organes après une euthanasie pourrait en effet constituer une incitation indirecte à se faire euthanasier, voire une pression dans un contexte de pénurie d’organes.
Le corps médical belge est plus timide à l’égard de l'évocation du don d’organes par le médecin dans le cadre d’une euthanasie : malgré une législation basée sur le consentement présumé à donner ses organes, on aperçoit qu’en pratique, la demande de combiner euthanasie et prélèvement de ses organes doit toujours émaner du patient.
Pour aller plus loin : Dossier IEB : Don d’organes après euthanasie : éthiquement compatibles ?