Avortement: « On ne peut occulter la dimension éthique de la question »

Publié le : Catégorie : À propos de l'IEB

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Publié sur le site de CathoBel le  par  - Modifié le  -  4 minutes

La semaine dernière, François De Smet, le président de Défi, et Eric de Beukelaer, vicaire général de Liège, ont longuement débattu à propos de l’intervention des évêques sur la question de l’avortement. Nous avons demandé à Léopold Vanbellingen, chargé de recherche à l’Institut européen de bioéthique et docteur en droit, de nous apporter son éclairage sur le sujet.

Léopold Vanbellingen est docteur en droit et chargé de recherche à l’Institut européen de bioéthique ©CathoBel

Parfois violent sur les réseaux sociaux, le débat a pris un peu de hauteur dans les colonnes de La Libre. Le jeudi 4 mai, François De Smet y adressait une lettre à Eric de Beukelaer”Mon cher Eric, Je me permets le tutoiement dans cette réponse ouverte à ton interpellation lancée sur ton blog et relayée dans La Libre Belgique, puisque nous nous tutoyons dans la vie ». Les deux hommes se connaissent, le débat est empreint de respect.

Dans sa lettre, le président de Défi prend la défense de Sophie Rohonyi, la députée de son parti qui avait contesté aux évêques le droit d' »interférer » dans le débat sur l’avortement. Mais force est de constater que la lettre présidentielle contient elle-même plusieurs points sujets à débat. Nous avons demandé à Léopold Vanbellingen, de réagir à certaines phrases.

« Dans le cadre belge, ce débat n’est plus fondamentalement éthique depuis 1990 »

Ce débat n’est-il plus éthique ? La solution législative adoptée en 1990 constitue un compromis, tenant compte de l’intérêt de l’enfant à naître et de celui de la femme enceinte. Le délai maximal de grossesse de 12 semaines faisait alors partie de ce compromis, de telle sorte qu’on ne peut dire que la liberté de la femme a été privilégiée de manière complète et définitive sur la vie de l’enfant à cette époque. Rediscuter des délais, c’est donc aussi relancer la discussion éthique.

A partir du moment où la question implique une tension entre la protection (voire les droits) de deux personnes (en l’occurrence la femme enceinte et l’enfant à naître), l’on ne peut occulter la dimension éthique de la question. Privilégier la survie d’un enfant à naître, ou privilégier le droit de la femme de s’en séparer à 4 ou 5 mois de grossesse, c’est un choix qui touche directement à la vie de deux personnes, c’est donc inévitablement une question éthique. Le slogan « Mon corps, mon choix » fait précisément l’impasse sur cette dimension éthique, en occultant l’existence d’un autre corps, d’une autre personne.

« je ne pense pas – je suis même persuadé du contraire – que la position actuelle des évêques sur l’IVG soit partagée par l’ensemble des catholiques de Belgique »

L’une des forces de la démocratie belge est la reconnaissance du principe de pluralisme, y compris le pluralisme institutionnel, qui cherche à associer des structures intermédiaires de la société civile entre l’État et les individus. C’est en vertu de ce pluralisme institutionnel que des organes représentatifs comme le Centre d’action laïque (CAL) ou la conférence des Evêques de Belgique ont la légitimité de s’exprimer dans ces débats éthiques, et sont amenés à dialoguer avec les pouvoirs publics.

Des philosophes comme Habermas ou, après lui, Jean-Marc Ferry l’ont bien mis en exergue : les réflexions développées depuis des siècles et des millénaires par les philosophies et religions sur ces questions représentent une vraie valeur ajoutée dans ces débats éthiques. Croire que ces questions peuvent se régler d’un point de vue exclusivement arithmétique, à travers un simple vote majoritaire au parlement, nous fait passer à côté d’une véritable discussion démocratique, qui n’occulte pas la dimension éthique de ces enjeux.

« [Sophie Rohonyi] ne reproche pas aux évêques de s’exprimer, mais bien d’interférer »

Qui peut autoritairement décider qu’une prise de parole de telle institution constitue une « ingérence » dans le débat, tandis que celle d’une autre institution serait légitime car « progressiste » ? Sur le plan constitutionnel et démocratique, la parole du CAL, telle que relayée par Défi, n’a ni plus ni moins de légitimité que celle des cultes, reconnus au même titre que le CAL par la Constitution en tant que courant convictionnel.

Lire l'article sur cathobel: https://www.cathobel.be/2023/05/avortement-on-ne-peut-occulter-la-dimension-ethique-de-la-question/